Ma parole, que devient la parole ?

Séminaire proposé par Isabelle Carré

Nous entamerons le séminaire par cette question, car la parole me semble perdre de sa valeur dans l’usage et la place qui lui est réservée. Le langage qui structure la pensée n’est pourtant pas qu’une faculté d’exprimer. Que perdons-nous du sujet, de son désir, et donc de son être, quand il est devenu périlleux de faire-valoir cette primauté du langage ?

Comment encore faire entendre le champ de l’inconscient, des fantasmes, de la jouissance, quand le discours tend à se réduire de plus en plus à l’analyse du fonctionnement du cerveau et de nos capacités à le reprogrammer ? Avancées scientifiques fondamentales certes, mais insuffisantes pour rendre compte de l’être et du sens de sa vie. Pourquoi ces deux champs devraient-ils s’exclure l’un l’autre ? La clinique ne cesse de nous le rappeler.

Les troubles dans l’identité de genre interrogent, le sujet est parfois assigné à répondre aux questions qui se présentent à lui, devant une impasse se dérobant à toute logique, mais sans doute pas à celle de l’inconscient. Le masculin et le féminin sont questionnés, bousculés, délogés de leurs stéréotypes. La multiplication des troubles dépressifs chez les jeunes adultes, les passages à l’acte disent aussi combien la traversée du sujet dans son rapport à la parole est une énigme. Entendre qu’on ne peut pas tout savoir, que cela échappe au sujet lui-même fait pourtant partie de l’expérience de l’analyse. L’écart entre ce que je dis et ce que je désire est pourtant régulièrement oublié. « Quoi que mes parents et les médecins pensent, je grandirai quand même, sans me fondre dans leur désir à eux » me disait un analysant récemment.

N’y a-t-il pas dès lors une part différente et immarcescible dans l’approche que propose la psychanalyse, qui tente de cheminer hors des normes et n’a pas de genre ni de style préconçu ? Notre rapport au langage est certes une aliénation, mais pas la plus terrible qui soit.

La parole n’est pas réductible à une verbalisation, qui est un virage linguistique réducteur, et pas seulement un outil de communication. C’est ce que nous tenterons d’interroger par des exemples cliniques et une approche théorique. Nous ébaucherons notre réflexion par la lecture d’extraits des livres de Laurie Laufer, Pour une psychanalyse émancipée, renouer avec la subversion (La Découverte, 2022) etde Clotilde Leguil, L’ère du toxique, Essai sur le nouveau malaise dans la civilisation (PUF, septembre 2023). Nous illustrerons notre propos par quelques extraits de romans, dont Pour en finir avec Eddy Bellegueule, d’Edouard Louiset Retour à Reims de Didier Eribon, où le bain de langage familial revêt toute son importance, sa cinglante singularité. Enfin, L’ordre alphabétique de Juan José Millás, roman qui nous plonge dans un univers où les mots disparaissent.

Le 1er mardi du mois à 20h
A partir du 3 octobre 2023
A La Tronche, 45 chemin des grenouilles
Pour y participer, vous pouvez vous mettre en contact avec Isabelle Carré

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *