L’œil et la lettre

Les modalités cliniques de la souffrance subjective semblent subir des variations en fonction du temps. C’est du moins ce qui se dégage en première approximation de la lecture des publications médicales, psychanalytiques et des médias en général. Si la fin du siècle dernier fut marquée par l’hystérie, la nôtre semble l’être par les perversions, à tel point que certains pensent devoir en protéger les enfants par une information dispensée dans les écoles.

La manière dont ce sujet est traité n’est pas sans enseignements sur le symptôme social qu’il révèle. Il y est fait davantage appel au dégoût, générant une réprobation collective, qu’à une interrogation sur la logique qui prévaudrait dans l’avènement de tels faits. On ne s’étonnera donc pas qu’après la phase judiciaire, leur traitement fasse appel à des méthodes qui vont de l’éducatif à la castration chimique. Cette volonté d’éradication est au service du refoulement de la dimension sociale du phénomène. Il s’agit, en effet, d’occulter que la modalité perverse apparaissant dans les faits divers est une tendance forte du lien social actuel. On la retrouve, par exemple, dans l’idéologie dominante aujourd’hui où, sous couvert d’un libéralisme mondialisé, version contemporaine de la maxime sadienne du droit revendiqué à jouir de son prochain sans limite, se trouve promu l’objet réel (la marchandise) comme horizon de la réalisation subjective. À la souffrance névrotique qui témoignait, au-delà d’un appel au père, d’une interrogation sur l’Autre sexe et donc sur la fonction du manque qu’il faisait ex-sister, s’est substituée une clinique où le deuil de l’objet se révèle à la fois comme insistant et impossible. En témoigne la prépondérance des dépressions, des addictions diverses, des troubles des conduites alimentaires et des perversions dans la manière dont se manifeste la souffrance subjective aujourd’hui.

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